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Etats-Unis

A bord de l’Amtrak de Toledo à Springfield

9 juin 2018

De Toledo à Springfield, l’Amtrak roule durant 16 heures (en théorie) pour parcourir les 1000 km qui séparent la ville de l’Ohio à celle du Massachusetts. L’Amtrak, c’est le TER américain que les Américains n’apprécient guère. Pourtant, il m’aura fallu seulement quelques heures pour tomber sous son charme. Récit d’un voyage.

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3h20, Toledo, Ohio. Pas le temps de faire des photos. J’arrive juste à temps pour montrer mon billet de train à 86$. Il fait froid dehors, environ -15°C. Et il neige. Je me dépêche de grimper dans mon wagon. Une jeune fille brune m’attend. Elle me montre où poser mes valises. Je m’exécute, les yeux pas vraiment en face des trous.

« Vous allez où ? »

« Springfield, Massachusetts »

Elle prend alors un morceau de papier, écrit ces trois lettres « SPG », et le coince dans une encoche qui m’indique mon siège. Enfin, MES sièges. Deux, ce ne sera pas de trop pour m’installer et dormir un peu. Une odeur de lessive combinée au bruit des roues sur les rails de l’Amtrak me bercent tranquillement jusqu’au bras de Morphée.

8h00, quelque part en Pennsylvanie. Je me réveille doucement. Mon espace est plutôt confortable. Je jette un œil à la fenêtre: « Oh, il y a tant de neige ! » pensé-je. Les paysages ont changé de couleurs. Seul le blanc de la neige et le marron des arbres ressortent dans cette ambiance hivernale.

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Pourtant, je doute que, sans la neige, l’atmosphère eût été aussi douce. Le long des rails traînent de nombreuses décharges à l’approche des villes. Mais la neige est un merveilleux camouflage de la laideur. Je savoure cet effet d’illusion avec enthousiasme.

Nous traversons quelques villes, où la neige semble résister au passage des voitures. Il doit y avoir entre 15 et 20 centimètres. Le train ne cesse de chanter « Tchu tchu »: à chaque intersection ou à l’approche d’une gare, le conducteur fait gémir son jouet.

10h40, Buffalo, mi-parcours. Mon premier stop depuis Toledo. Une dizaine de passagers grimpent dans le train. La jeune fille qui m’avait accueillie à bord est alors en plein travail de déneigement autour du marche-pied. Bienveillante, elle nous prévient de bien faire attention.

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Cela fait du bien de prendre l’air, après 7h30 de voyage. Il neigeote. Quatre passagers descendent du même wagon que moi pour prendre leur dose de nicotine. Je profite de ce laps de temps pour prendre quelques clichés.

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11h30, quelque part dans l’État de New York. Un homme d’une quarantaine d’années passe vers tous les passagers: « réservation pour le déjeuné dans le dinning-car ? ». Personne ne répond. De mon côté, j’avais prévu quelques victuailles pour survivre, je n’ai donc pas vraiment besoin de dépenser pour la cuisine de l’Amtrak qui doit plus ou moins ressembler à du surgelé bien présenté.

Nous ne sommes pas nombreux dans cette section du train. À côté de moi, un jeune d’une trentaine d’années pianote sur son clavier. Son papier indique WOR, pour Worcester je suppose, un arrêt après Springfield. Devant lui, une dame d’un âge plus avancé, allongée sur ses deux sièges, me sourit en se réveillant. Dur de dormir à poings fermés entourée d’inconnus.

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Elle échange avec un jeune, assis devant moi, qui a des problèmes avec son billet de train. Il devait s’arrêter à Albany pour prendre un autre bus de 45 min qui devait l’amener chez lui. Mais le billet n’est valable que pour le train. Confus, il parle avec cette dame. Il lui raconte qu’il n’a pas d’argent sur lui. Il doit trouver un moyen pour arriver jusqu’à son point de destination.

Un peu plus loin, un vieux monsieur d’une soixante d’années. Comme moi, il a ce petit papier signé SPG perché au-dessus de sa place.  Une casquette sur la tête et des lunettes de papy, il écoute sa musique. Tout comme moi, dans quelques heures, il descendra à Springfield.

Les Américains n’apprécient pas à leurs justes valeurs les transports publics à cause de leur passé impopulaire. Allez parler avec des personnes d’une quarantaine années ou plus, ils vous raconteront l’insalubrité des wagons, l’ambiance des bus malfamés, le bas prix du carburant de l’époque. Aux États-Unis, la voiture est toujours le principal transport très, très, loin devant les transports publics. Et c’est bien compréhensible : le réseau des bus n’est pas parfait, le train est cher et ne passe qu’une à deux fois par jour, l’avion est vraiment hors de prix.

Pourtant, mes compagnons de voyage n’ont pas l’air plus pauvre ou plus malfamés que moi. Amoureux des trains, voyageurs avec peu de revenu ou bien sans autre moyen de locomotion, le train commencerait-il à se démocratiser? Mais pour cela, il faudrait que le réseau ferroviaire américain investisse vraiment en développant ses trajets et sa plage horaire.

16h40, Albany, New York. Le train est à l’arrêt. Je pense que nous avons du retard. Il m’a semblé que le conducteur avait poussé son joujou pour rattraper le temps perdu: une odeur de caoutchouc brûlé s’est installée dans nos quartiers.

16h50, Albany, New York. Le train redémarre en secousse. Puis s’immobilise une seconde fois. Je n’ai aucune idée de ce qui se passe. La gare n’est pourtant plus très loin.

« Il sépare le train chéri, tu as encore quelques minutes » entends-je au téléphone.

C’est donc ça. L’avant du train, dans lequel je suis, se sépare de son arrière pour aller vers New York. Pour moi, ce sera la direction de Boston.

16h55, Albany, New York. Lumière…feu…départ ! Le train avance enfin pour de bon, direction la gare. Mais cela ne change pas les heures de retard. Dans le train, une voie s’invite dans nos oreilles pour donner des explications:

Désolé pour l’attente, nous devions remettre du fuel ».

Deux heures maintenant. Je peux dire adieu à mon bus de 18h15 pour Amherst….

17h45, Albany, New York. Le train redémarre au crépuscule de mon voyage. Il n’y a plus rien à regarder par la fenêtre. Le blanc a fait place au noir.

Plus que deux heures avant l’arrivée. Le conducteur met les turbos cette fois. Le wagon bouge tellement qu’il met difficile de taper sur mon clavier. De nouveaux compagnons de voyage sont arrivés dans le même bateau que moi. Mon voisin d’à côté et celui d’en face vont à Boston. Ils arriveront, comme moi, avec deux heures de retard. Ça n’a pas l’air de les perturber. C’est sûrement le train-train quotidien des voyageurs de l’Amtrak.

20h00, Sprinfield, Massachusetts. Direction la gare de bus, où mon dernier trajet m’attend. Départ à 22h30…Ce qui s’est annoncé comme un échec cuisant d’organisation a fini par bien tourner: une bière et un Américain particulièrement haut perché dans la spiritualité de Dieu se sont offerts à moi. La seule rencontre que j’ai pu faire durant ces 18 heures de voyage. Et elle arrive à la gare de bus. Heineken à la main, je l’écoute parler de yoga et de philosophie. Quoi de mieux avant d’aller se coucher, après une si longue journée?

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Toledo à Sprinfield, 14 heures (en théorie), et plus de 1100 km.

(Données cartographiques © Google 2013)

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